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Question d'autorité ? 

Billet d'humeur 

 

          Ce qui m'a encouragé à écrire ce billet d'humeur, c'est l'écoute d' Hubert Védrine dans les Matins de France Inter, le mercredi 1 /12/10 au sujet de"l'idéologie totalitaire de la transparence qui existait du temps de Mao en Chine"; au cours de cette émission il a recommandé le livre du journaliste Jean Lacouture : Eloge du secret ; de même, Michel Serre dans les Matins de France Culture le jeudi 2 /12/10 défendait "le secret partout sauf en sciences" alors que Paul Jurion abordait cette problématique sur France Culture le 7/12/10

 

          Comme tout enseignant, je suis sensible, actuellement, à tout un ensemble de symptômes qui me paraissent avoir un point commun: "l'autorité".

          Les enseignants savent concrètement, tous les jours, combien le problème de l'autorité est permanent dans leur classe. Beaucoup aimeraient avoir des "recettes", connaître les "bonnes pratiques", les "gestes professionnels" qui assurent l'autorité indispensable à qui veut se faire entendre sans avoir à passer une partie importante de son temps à faire de la discipline.

 

 Des paradoxes

          Alors que cela n'empêche pas certains enseignants de se déclarer "désobéisseurs", refusant d'obéir à certaines lois !

 Hors de l'école, on retrouve aussi un refus de l'autorité sous des formes et avec des intentions diverses. Par exemple:

- <<Ce mercredi 30 juin, les députés auditionnent les responsables du football français sur le fiasco des Tricolores en Afrique du Sud. L’audience a lieu, à leur demande, à huis clos. Mais sitôt la porte close, un député se met à « twitter » la teneur des propos. Lionel Tardy (UMP, Haute-Savoie) justifie ce geste au nom d’une transparence qui devrait être, selon lui, la règle dans le travail parlementaire.>> La Croix (article très intéressant sur le sujet de la transparence si complexe)

- le dévoilement par certains journalistes des fiches des ambassades sur le site WikiLeaks au nom de la "transparence" (ces mêmes journalistes, eux, paradoxalement, ne désirent pas la transparence de leurs sources!)

- on ne citera que pour mémoire les sacages de champs d'OGM, les voitures incendiées. le secret de l'instruction non respecté continuellement etc...toutes actions contre des lois.

- le soutien aux clandestins, "sans papiers" (donc hors la loi) même si une certaine forme de soutien humanitaire s'impose bien souvent

<<Une société pourrit d'un excès d'ombre, une société peut pourrir aussi d'une surexposition, de rage panoptique. C'est le péril où conduit d'abord un journalisme qui prétend se substituer à la police et à la justice, et qui de ses proies, fait un spectacle. Un monde se définit par la qualité de secrets qu'il est capable de préserver sans porter atteinte à la liberté» : ainsi s'exprime Jean Lacouture.qui a été journaliste à Combat, Le Monde,et au Nouvel Observateur. Auteur de "L'éloge du secret"

  Ces comportements provoquent des réactions, paradoxales parfois, chez chacun d'entre nous:

- désir de "serrer la vis" par de nouvelles lois plus contraignantes, demande de "régulation économique" (autrement dit, de nouvelles lois) , demande de plus d'évaluation, de "plus d'état" (redonner de l'autorité aux états)

- ou inversement désir de "libération" du marché, de la carte scolaire, des notes, de la possibilité d'initiatives, une plus grande autonomie des établissements, une demande de moins d'état (moins de lois, de contraintes, de contrôle, d'évaluation, d'inspection, etc)

 

Certains se posent la question: pourquoi l'autorité est-elle donc si souvent en question actuellement?

- est-ce un résidu de mai 68 (révolte contre l'autorité)?

- est-ce l'effet du "libéralisme", de la "marchandisation" à tout va, de la dérégulation financière liée aux lois du marché bien vagues et non aux lois concrétes des états? Tous ces symptômes posent la question des limites, des cadres, de l'autorité. 

Ce qui se vit dans nos classes

est lié (interagit) avec ce qui se vit dans le monde

 

Et peut être également avec ce que nous vivons à l'intérieur de nous-mêmes

Par exemple dans cette contradiction entre notre désir de liberté, d'absence de contraintes et en même temps notre besoin de sécurité assuré par des repères, des cadres et des limites. C'est ainsi que nous pouvons porter en nous-mêmes des paradoxes: être pour la supression des notes et en même temps pour la régulation économique. Etre pour la carte scolaire mais nous arranger pour placer notre enfant dans l'école que l'on désir...

Fonction d'autorité et compétence psychologique d'autorité

          D'autre part on a souvent tendance à réduire la question de l'autorité à des "capacités psychologiques" (qu'on a ou qu'on n'a pas !)

 

          Or il y a , me semble-t-il, confusion entre "la fonction d'autorité" et "les compétences psychologiques de l'autorité". 

La "fonction d'autorité" est attribuée à quelqu'un par une institution. L'Education Nationale pour l'enseignant. Celui-ci a été recruté pour exercer cette fonction, entre autres, dans telle classe, qu'il ait ou non des "capacités psychologiques d'autorité"; Ce qui pose, d'ailleurs, le problème du mode de recrutement des enseignants!

          Mais la réduction de la question d'autorité à celle des compétences d'autorité me paraît être une façon inconsciente (ou non!) de "refuser, nier..." l'institution, ce tiers entre l'enseignant et ses élèves ou leurs parents. Et ceci n'est pas sans conséquences sur cette "autorité"!

 

Concrétisation dans un imaginaire collectif

          Cette tendance à nier l'importance de l'institution se retrouve plus particulièrement dans un imaginaire collectif (une idéologie) : l'anarchisme.

<<L'anarchisme est un courant de philosophie politique développé depuis le XIXe siècle sur un ensemble de théories et pratiques anti-autoritaires. Fondé sur la négation du principe d'autorité dans l'organisation sociale et le refus de toutes contraintes découlant des institutions basées sur ce principe, l'anarchisme a pour but de développer une société sans domination, où les individus coopèrent librement dans une dynamique d'autogestion>> http://fr.wikipedia.org/wiki/Anarchisme

 

          Après avoir proposé cette définition sur Facebook et posé la question: "A quoi cela vous fait-il penser actuellement ?" , il y a eu plus de 65 commentaires qui ont tourné autour des thèmes: société sans état et sans classe, liberté de la femme, égalité, inspection, utopie, limite, angoisse, chaos... avec pour certains une certaine "fascination" du chaos, (voir l'appel de Cantona à retirer son argent des banques!) comme on peut avoir une certaine fascination de la mort !

 

Capacités psychologiques de l'autorité

          Ces thèmes montrent que beaucoup sont conscients du lien qui existe entre absence de limites et angoisse. Les enseignants en font l'expérience dans leur classe, mais ceci reste vrai également pour chacun d'entre nous avec notre limite psychique, notre "frontière psychique" (l'équivalent de notre peau). Voir le croquis ci-dessous

        Avoir une frontière trop poreuse risque de nous faire prendre "pour argent comptant" ce que dit un élève "elle est bonne la prof" et de n'avoir pas la distance suffisante pour réagir de façon adaptée à la situation. Inversement avoir une frontière trop rigide ne permet pas d'entendre ce que disent les élèves et de ne pas entendre ce qui se passe dans la classe. On voit qu'on est loin des "recettes", des "bonnes pratiques" et des "gestes professionnels" ! Seule une formation clinique peut apporter un progrès dans ce domaine.

Cette sécurité intérieure est une des conditions de notre capacité psychologique d'autorité

Extraits des commentaires de Facebook

"une societé sans etat et sans classes a eté un espoir qui nous a donné les plus mauvaises expériences de vie publique;.dans l'absence des regles homo homini lupus,dans l'education aussi."

"Culture marchandisation ou émancipation?"

"les pensées des hommes ne sont-elles qu 'un immense jeu de miroirs dans un palais des glaces sans limites?"

"c'est un constat que l'on fait souvent aussi dans une classe: si l'enseignant refuse d'être "chef", "maître" ou "ma...îtresse", le retour de bâton risque d'être que les enfants le considèrent alors comme "un copain" qu'il n'est nullement."

"Le modèle anarchiste me paraît utopiste, mais il n'empêche que nous devons aller vers moins d'autorité (dans toutes les structures de la société et pas seulement au niveau politique) et vers plus d'égalité (et pas seulement hommes-femmes). Je crois que les structures hiérarchiques doivent faire place à des modèles plus participatifs (chacun a un rôle bien défini à jouer -"

"les femmes ont dû se battre pour obtenir leur égalité et leur liberté"

"Le problème, c'est qu'aujourd'hui on peut être incompétent pour un poste et être nommé (dans l'éducation et partout ailleurs). Pas étonnant qu'ensuite personne ne ...respecte ces pseudo-professionnels qui ne sont pas à la bonne place. "

"l'inspecteur peut sanctionner. Je vois l'inspecteur comme un relais entre les enseignants et l'employeur (et oui, je ne parle pas d'autorité, mais d'employeur). C'est une courroie de transmission qui fait circuler les informations (les bonnes nouvelles aussi). Quant à l'établissement, il doit avoir plus d'autonomie financière, administrative et pédagogique "

"Pour moi, l'autorité est nécessaire tant qu'elle reste un tuteur pour l'autre. A l'origine, le mot latin "auctoritas" désigne la capacité à faire grandir, on pourrait dire aussi "à devenir auteur de soi-même". Ell...e est alors fondée sur le désintérêt et la bienveillance.Malheureusement, elle glisse souvent vers l'autoritarisme, dans une relation agressive, où l'un tente de dominer l'autre qui cherche à lui échapper.."

"Mais l'utopie véritable n'est ni le passé, ni le présent, ni l'avenir, c'est un lieu où justement passé et avenir se confondent dans le présent. C'est pour cela que chez les anarchistes, c'est une accumulation de PRATIQUES réelles inscrites dans le présent, le seul moment existant, qui définit le projet révolutionnaire. Chez les anarchistes, ce qui compte vraiment, c'est de travailler avec l'états actuel des choses et d'en explorer ses possibilités émancipatrices. Comme on le voit, la révolution libertaire (et non pas égalitaire, comme certains pensent le croire) est un ABOUTISSEMENT, l'aboutissement d'une transformation déjà réalisée."

"Le cadre est extensible mais pas sans limite." -"c'est quoi la limite sinon ta propre limite, et ta propre peur, " - "Mes limites, je me les suis imposés larges certes, mais la peur en reste le garant. Elles ne sont pas extensibles à l'infini, car je vivrais dans un état d'angoisse extrême."

"un point essentiel de l'anarchie, qui est aussi quelque part une métaphysique angoissante à propos justement de cette question de la limite. L'anarchie est aussi un doute et une angoisse devant le vertige du Chaos..."

- " Les limites sont posées pour calmer une angoisse, et l'hypothèse anarchiste est de dépasser cette angoisse, de ne plus avoir peur, car on ne construit rien de bien beau sur la peur et sur l'angoisse."

"Seule certitude, je ne crois pas aux réponses uniques qui sont imposées, comme étant la Vérité. Je préfère les questionnements, les doutes et les tâtonnements qui permettent d'avancer dans les réflexions, en se nourrissant des parcelles du savoir / du vécu partagé par les autres."

 

 

 

 

 

  Nos recherches pédagogiques

          Cette accumulation de symptômes concernant l'autorité montre que cette dernière a besoin d'évoluer en ce moment comme elle a évolué au cours des siècles. Ces symptômes demandent à être entendus ou ce sera la rébellion (dans nos classes comme dans le monde).

          Nous avons besoin de trouver de nouvelles formes d'autorité qui ne nient pas l'existence de ce tiers qu'est l'institution, de nouvelles limites acceptables, de nouveaux cadres sécurisants.

          A coté de nos actions politiques, syndicales... nous pouvons travailler à cette recherche d'une nouvelle forme d'autorité dans nos initiatives pédagogiques, dans nos classes avec nos élèves: Disposer la classe autrement pour favoriser la circulation et le dialogue des élèves, n'est qu'un exemple de ce que nous pouvons faire concrètement pour faire avancer cette question de l'autorité. On peut aussi rechercher dans les interstices de l'institution les espaces de liberté, plus nombreux qu'on ne le pense souvent, dans lesquels il serait possible d'expérimenter de nouvelles organisations porteuses d'une autorité différente.

 

Voir également:

‘ÉDUQUER’ (À) L’AUTORITÉ ? (PDF)

 

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Commentaire

Réaction

<<il me semble qu’il y a la question de la transparence d’une part et celle de l’autorité d’autre part : dans notre société, se produisent montée au zénith de l’objet regard dans le premier cas (omniprésence des caméras de surveillance, etc.) et déclin de la fonction paternelle dans le second, ce qui provoque une destitution de l’autorité au bénéfice de la dimension contractuelle. >>

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