Esprit du site
Moteur de recherche
Recherche d'article par auteur
Pedagopsy.eu
Recherche de livres par motsclefs
Plan du site
L'auteur

 

Quelques outils " relationnels " pour mieux communiquer

Maryse Legrand (psychologue) et Jacques Salomé (formateur)

             Nous savons que les mots sont nécessaires et indispensables pour échanger, partager et communiquer, c'est-à-dire pour mettre en commun. Mais ils ne sont pas suffisants pour construire et entretenir une relation vivante dans la durée, pour permettre de tisser un lien, c'est-à-dire l'équivalent d'un pont, d'une passerelle ou d'un canal sur lequel circulera dans un sens, ce que nous avons à transmettre, à offrir, à proposer à l'autre et dans l'autre sens, ce que nous recevrons de lui. Voici donc quelques outils pratiques, accessibles à chacun et transmissibles.

 

1. Le bâton de parole

             Issu de la tradition amérindienne et africaine des palabres, le bâton de parole est un objet (en bois ou autre matériau solide), facile à prendre en main qui servira à représenter plusieurs principes ou règles de base pour rendre la communication plus fluide, à savoir que :

- celui qui le prend a quelque chose à dire et il attend: silence et écoute de la part de ceux à qui il s'adresse ;

- celui qui le demande en second accepte de parler de lui et non sur celui qui vient de parler ;

             il est possible d'apprendre à exprimer une demande plutôt que d'accuser ou mettre l'autre en cause (l'emploi de l'accusation et du reproche signifie la plupart du temps que l'on a une demande ou une attente) ;

le bâton de parole qui circule entre les partenaires d'un échange est là pour montrer que chacun peut donner son point de vue, même s'il est différent de celui des autres et qu'il est d'accord pour ne pas l'imposer ou chercher à convaincre à tout prix. Ceux qui écoutent apprennent à se taire et à ne pas interrompre celui qui a la parole.

             Quelques commentaires recueillis chez les enfants d'une classe où le bâton de parole a été introduit en début d'année (5 mois auparavant) :

" Moi j'aime bien le bâton de parole, cela veut dire qu'on peut parler quand on veut en le prenant. "

" Le bâton de parole aide ceux qui ont du mal à parler, autrement c'est toujours les mêmes qui parlent… "

" Moi j'aime bien le bâton de parole, parce que je peux dire ce que je veux sans être interrompue… "

2. L'écharpe ou le foulard relationnel

L'écharpe sert à représenter et matérialiser le lien, le conduit, au travers duquel passent les échanges.

             Chaque enfant pourrait venir en classe avec une écharpe différente. C'est un outil pédagogique d'une singulière efficience. Chaque fois qu'un malentendu naît ou qu'un conflit apparaît, le fait de proposer à chacun des enfants de tendre son écharpe, lui fait prendre conscience que :

- il y a toujours deux mouvements en présence dans une relation : celui que l'un propose (ou impose) et celui que l'autre initie de son côté (ou veut imposer) ;

- il peut y avoir entre ces deux relations, des points de semblance et des différences, voire des oppositions ou des incompatibilités ;

             Une relation a deux bouts et chacun est responsable de son bout et seulement de son bout.

 

             Accepter ce principe permet d'apprendre plus facilement à parler de soi à l'autre plutôt que de parler " sur " l'autre bout, ou à la place de l'autre (relation klaxon : tu, tu, tu… " Tu exagères… Tu n'as rien fait… Tu te moques de moi…")

Chacun peut se définir (au lieu de définir l'autre ou de se laisser définir par lui) et découvrir ainsi les différences qui existent entre lui et ses camarades de classe.

Quelques commentaires entendus dans une classe élémentaire.

" Avec l'écharpe j'évite de poser des jugements de valeurs et surtout de rester dans la tentation du réactionnel " (une enseignante)

" J'avais l'habitude de parler toujours sur l'autre : (" Tu es méchant, tu ne me comprends pas, tu es idiot… ") maintenant je dis ce que je ressens et je me sens plus souvent entendu. "

" Moi j'invite mon père à me parler de lui, de ce qu'il ressent ou éprouve au lieu de parler à ma place. "

" Quand ma mère veut déposer ses peurs sur moi en me recommandant de " faire très attention dans la rue " je peux lui répondre : " Maman, si à ton bout de la relation, toi tu prends soin de tes peurs, moi je prendrai soin de ma sécurité, autrement je pars tous les matins avec tes peurs sur mes épaules " ( garçon de 14 ans)

3. La visualisation.

             Le recours à la visualisation, qui permet à l'aide d'un objet de représenter ce dont on veut parler, (voir: l'objet) offre l'avantage de rendre plus manifestes les dynamiques latentes en jeu dans les relations et la communication.

             La visualisation est une médiation, elle sert de support tangible ou imagé pour exprimer ce qui se passe. La visualisation permet aussi de préciser de nombreuses règles d'hygiène relationnelle

Par exemple

- de ne pas confondre celui qui parle avec sa demande (ce qui permet par là même de ne pas être confondu avec notre réponse). " Je voudrais sortir ce soir "(je l'invite à montrer sa demande - pour que je ne te confonde pas avec). Voilà donc ta demande : sortir ce soir. Voici ma réponse (je montre un objet) - ma réponse est " non ". Lorsque je te dis " non ", ce n'est pas toi que je rejette, c'est une décision que je prends et un positionnement que j'adopte vis-à-vis de ta demande ". Cette façon de dire et de mettre en évidence que bien des demandes sont des exigences déguisées !

- de pouvoir montrer un sentiment, un ressenti : voici ma colère, ma déception, mon besoin, mon désir : " montre-moi avec un objet la colère que tu as ressentie quand il t'a insulté et toi montre-moi avec un objet, l'insulte que tu as déposée sur lui… "

- de ne pas confondre l'enfant avec ses résultats : " la note que je t'ai mise est liée à la différence que je constate entre ce que je pouvais attendre de toi et le contenu du devoir que tu m'as rendu "

- de mieux différencier l'autre et ses comportements : " oui montre-moi avec un objet le coup que tu lui a donné - montre-moi avec un objet la colère que tu avais quand il a jeté ton cartable à terre ! "

- de mieux faire prendre conscience des différences de point de vue : "avec cet objet tu me montres ton point de vue, avec celui que j'ai à la main je te montre le mien, peut être que tu peux constater qu'ils sont très différents ou qu'il y a quand même des points de ressemblance… "

- de montrer que chacun est co-auteur des relations qu'il propose.

 

             Certains enseignants ont introduit dans leur classe des boites à colère, à tristesse, à désirs dans lesquelles les enfants peuvent déposer un objet ou un mot énonçant le sentiment, le ressenti ou l'aspiration qui les habite.

 

4. L'utilisation du Je à la place du Tu.

             La proposition d'utiliser le Je est une invitation pour permettre à chacun de s'exprimer en tant que sujet (en parlant de soi, en son nom personnel) et non en commençant par Tu (parler sur l'autre).

             Cette formulation produit des effets bénéfiques et permet de construire une relation vivante et en réciprocité. C'est donc aux enseignants de l'utiliser en priorité (à eux de renoncer à parler sur les enfants et de veiller à leur parler directement).

" C'est vrai que je suis déçu dans mon attente, je m'étais imaginé que tu tiendrais l'engagement que tu avais pris. Ceci dit, j'ai toujours la même demande vis-à-vis de toi… "

             L'invitation à utiliser le Je, contient les germes d'une véritable révolution pédagogique, car les adultes et les enseignants parlent beaucoup " sur " les enfants " en leur présence ou en dehors d'eux.

             Cette pratique débouche sur une pédagogie de l'implication qui modifie profondément les rapports enfants/adultes.

 

             Lorsqu'il parle de lui face à l'enfant, l'adulte se situe et se définit de la place où il est, il devient ainsi plus consistant, plus présent, plus fiable.

" Je suis en difficulté avec toi, car ton agitation me perturbe, je n'arrive pas à rester centré sur ce que je veux dire à l'ensemble de la classe ! ".

" Je me sens irrité d'être sans arrêt interrompu ou parasité dans ce que j'ai à dire ou à transmettre, par le bruit ou l'agitation que tu crées… ".

 

5. La confirmation

             C'est tout un entraînement de commencer ses phrases par un oui. Non pas un oui d'accord mais par un oui de confirmation.

" Oui j'entends bien ton point de vue, je peux en avoir un autre, mais c'est bien le tien ! ".

" Oui j'entends bien que tu n'es pas content parce que je t'ai demandé de me confier ton téléphone cellulaire que je te rendrai à la fin du cours ".

" Oui tu attendais que je valorise davantage ton travail, par une note plus élevée…. "

 

Par la confirmation celui qui s'exprime et qui se sent " reflété " dans ce qu'il dit par celui qui l'écoute, se sent entendu et peut-être aussi reconnu.

             Nous touchons là (avec le besoin d'être entendu et reconnu) à deux besoins relationnels importants pour le développement psycho-affectif de l'enfant (et pour la croissance de l'adulte, puisqu'à partir d'un certain âge, il ne nous reste plus qu'à grandir de l'intérieur).

             La mise en pratique au quotidien d'une classe, de ces quelques outils favorise d'une part l'émergence de relations plus ouvertes, plus équilibrées et respectueuses des personnalités de chacun des protagonistes d'un échange et permet, d'autre part, de sensibiliser les enfants et les adultes aux possibles d'une relation qui évite autant que faire se peut, les rapports de force et de domination, de soumission ou de dépendance (ce qui n'empêche pas l'asymétrie de la relation : l'adulte a des prérogatives qui ne sont pas les mêmes que celles de l'enfant). On pourrait dire que ces quelques outils relationnels sont les fondements d'une communication sans violence.

http://sarah.leg.free.fr/espere/

Vos  Réactions

Adresse mail facultative

Commentaire

 

Site de Jacques Salomé

Réactions

<<Je vous remercie pour ce site très riche et bien structuré. serait-il possible d'avoir des exercices pour pratiquer "l'utilisation du je à la place du tu"?Merci.>>

<<Baton de parole virtuel et spatial.Avec des collégiens de 3ème j'utilise (me semble-t-il) une sorte de baton de paroles virtuel : Pour prendre la parle chauque collégien doit se lever et se placer sur le coté de la classe (une place spéciale qui est la moins inconfortable possible mais qui n'est pas la place du professeur). Les élèves ne peuvent prendre la parole que s'ils occupent cette place et si les autre élèves écoutent.>>

<<Bonjour J'ai utilisé le baton de parole avec des élèves d'EPS, de façon à permettre aux petits parleurs de s'exprimer et aux grands parleurs de se moduler, de se taire. Les élèves appréciaient ces moments de langage effectués souvent après la séance d'EPS. Cela a permis à de nombreux enfants de progresser et de prendre confiance en eux et d'améliorer leur lexique personnel.Merci donc pour ce précieux conseil. Salutations>>

<<Je n'ai pas saisi la manière de faire avec l'écharpe : chacun prend un bout de l'autre ? Mais nos 2 mains sont occupées, l'une à tenir mon écharpe et l'autre à tenir l'écharpe de l'autre personne de façon à se relier? >>

Réponse de Jacques Salomé: "Quand on est en relation pour quelque chose d'important on n'occupe pas ses deux mains à faire autre chose.

On prend le temps de s'arrêter, on est face à face et on donne à ce que l'on dit tout le poids de notre présence.

Donc chacun des protagonistes tient un bout de l'écharpe.

- celui qui parle ne parle pas sur l'autre, mais de lui (de ce qu'il a fait ou pas fait, de ses idées, son ressenti, ses sentiments, ses croyances etc...)

- l'autre écoute et témoigne à son tour (de ses idées, de son ressenti, de ses sentiements ou de ses croyances, de ce qu'il a fait ou pas fait)

Il existe au CRDP de Reims une vidéo sur la mise en pratique des outils de la communication à l'école."

Esprit du site
Moteur de recherche
Recherche d'article par auteur
Pedagopsy.eu
Recherche de livres par motsclefs
Plan du site
L'auteur