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Exemple d'un groupe d'apprenants illettrés

Extrait d'un mémoire de

Marie Liesse Nimier  

             Un groupe accueilli en AFB (Atelier de Formation de Base) est composé de huit personnes dont sept hommes et une femme

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             Trois des hommes (20, 25 et 28 ans) bénéficient du RMI mais ils déclarent avoir une activité et ils se définissent comme des ferrailleurs. Pour eux, le travail est synonyme de système D. En d'autres termes, ils récupèrent, lors de vide- greniers ou à la décharge, différents métaux qu'ils revendent ensuite à des intermédiaires. Ces trois hommes ont chacun une femme et plusieurs enfants et ce sont des gens du voyage. Ils ont des liens familiaux entre eux et vivent au sein d'une communauté. Au cours de leur vie, ils ont effectué beaucoup de déplacements suite à des expulsions fréquentes des terrains qu'ils occupaient. Ils sont donc très mobiles, avec voitures et caravanes.

             Leur parcours scolaire est court, il s'arrête à l'école primaire pour deux d'entre eux et le troisième a connu une institution spécialisée de type IME (Institut Médico-Educatif). Ils semblent avoir une façon de vivre et de travailler plutôt marginale et fortement marquée par leur passé. Ils peuvent avoir des projets, mais à très court terme, ce qui peut expliquer leur présence discontinue en formation.

 

             La femme (39 ans) est employée avec un contrat à durée indéterminée à temps partiel (quelques heures le matin) comme agent d'entretien dans une entreprise de restauration rapide. Elle a, auparavant, occupé en discontinu des postes en qualité d'employée de ménage à l'hôpital ou dans des restaurants. Elle vit avec son frère qui travaille dans un CAT (Centre d'Aide par le Travail) et a, elle-même, une reconnaissance de travailleur handicapé. Après l'école primaire, elle a connu une orientation en SES (Section d'Enseignement Spécialisé).

 

             Les autres hommes sont actuellement sans emploi :

             L'un d'entre eux (54 ans) a travaillé 30 ans comme opérateur de fabrication de carreaux de faïence puis, suite à une vague de licenciement, il s'est retrouvé sans emploi. Il a réalisé quelques travaux de manutentionnaire en intérim, obtenu un contrat aidé en qualité d'ouvrier polyvalent dans une communauté de communes pendant 4 ans et souhaite aujourd'hui, revenir à un emploi de manutentionnaire. Depuis le décès de sa mère, il vit seul et a obtenu récemment une reconnaissance de travailleur handicapé. Il dit ne pas avoir de souvenirs de l'école qu'il a quittée en CM2.

             Un autre de ces hommes (42 ans) a un parcours scolaire en IME. Il a travaillé très tôt et l'instabilité semble le caractériser dans son parcours professionnel. Il a cumulé une série d'emplois qu'il a occupés sur des durées courtes (ouvrier en maraîchage, manutentionnaire, ripeur, agent de conditionnement, plongeur, cuisinier, manœuvre en exploitation forestière, etc.). Il vit seul.

             Le parcours scolaire du suivant (52 ans) s'est poursuivi jusqu'au collège. Il a travaillé ensuite pendant 30 ans dans une entreprise comme ouvrier spécialisé en meuble. Il n'a pas retrouvé d'emploi depuis son licenciement. Divorcé, il vit seul.

             Enfin, le dernier d'entre eux (51 ans) est un ancien manœuvre du bâtiment mais il ne travaille plus depuis longtemps. Il possède un lourd handicap en raison de sa surdité provoquée par un accident. Son parcours scolaire s'est limité à l'école primaire. C'est un homme marié dont la femme travaille comme agent d'entretien. Ils n'ont pas d'enfant.

             Ces premiers éléments d'itinéraires de vie nous donnent un aperçu des profils d'apprenants en formation à l'AFB. Une constante apparaît : la durée courte de la scolarité. Pour ceux qui ont quitté l'école très tôt pour travailler, on peut faire l'hypothèse d'un milieu familial où l'insécurité matérielle exigeait des responsabilités précoces, ce qui expliquerait la rupture avec l'éducation de base. Pour ceux qui viennent des institutions spécialisées, les acquis sur le plan du lire-écrire-compter sont très faibles et on note, chez ces personnes, une image de soi particulièrement fragile. Il est possible que l'étiquette " débilité " ait imprégné leur parcours et qu'elle reste prégnante dans leur mémoire. Les personnes aux parcours un peu plus longs ont des acquis mais avec des " trous " plus ou moins importants. Ils peuvent avoir oublié ce qu'ils ont appris parce qu'ils n'ont pas utilisé leurs acquis ; ils n'en avaient pas besoin ou se sont organisés pour se débrouiller autrement.

Ce qui caractérise la situation d'illettrisme varie donc d'une personne à l'autre.

             Deux d'entre eux reconnaissent difficilement les lettres de l'alphabet, d'autres déchiffrent à peine des mots simples et écrivent phonétiquement (c'est-à-dire que le graphisme correspond aux sons entendus). D'autres encore ont une capacité à écrire mais des erreurs d'orthographe, de grammaire ou de syntaxe restent très fréquentes. La plupart de ces personnes s'expriment avec une syntaxe peu aisée à comprendre. Le vocabulaire est restreint, les mots utilisés sont souvent imprécis, les prises de paroles sont simples et courtes. Pour tous, la culture générale est plutôt faible.

 

             L'image que certains entretiennent d'eux-mêmes est particulièrement négative et on aborde, avec cette question, la relation à soi et la relation aux autres. Les remarques qui s'expriment parfois dans le groupe laissent deviner des sentiments de honte, des sentiments d'être des " bons à rien " ou de ne pas être capables d'apprendre.

 

             Ceci peut engendrer un repli sur soi et un manque de communication avec les autres. On note d'ailleurs que plusieurs de ces personnes vivent seules et semblent coupées de tout lien social. D'une manière générale, ces apprenants en formation ne parlent que si on leur adresse la parole. En revanche, l'un d'entre eux s'exprime de façon volubile en particulier lorsqu'il se sent entendu. Ils paraissent marqués par une absence de confiance en eux-mêmes amplifiée par une certaine conscience de leurs difficultés.

             Précisons, pour finir cette description, que ces personnes en situation d'illettrisme ont développé au cours de leur parcours des habiletés, des aptitudes et des compétences d'ordre manuel et technique. Elles ont accumulé différentes ressources pour faire face aux situations. Indiquons par exemple, des savoir-faire relatifs à des métiers (bâtiment, bois, environnement, etc.) et aussi des savoir-faire relatifs à la gestion de la vie quotidienne (cuisine, courses, entretien). On peut mentionner aussi des savoir-faire liés à un mode de vie ou à des ressources insuffisantes (récupération, connaissance des filières pour avoir de l'argent, de la nourriture, des vêtements, etc.).

 

Voir également:

Dossier illettrisme

http://www.illettrisme-ressources.com/index.html

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Commentaire

Réaction

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<Je suis moi même enseignant à la réunion et mon public est justement des élèves qui sont en situation d’illettrisme et qui malheureusement vont le rester encore longtemps si ils ne trouvent pas d’aide après la fin de leur scolarisation obligatoire. C’est là qu’il faut leur trouver et leur proposer des solutions gratifiantes. Pour ma part, j’envisage, l’année prochaine d’ouvrir une structure qui prendra le relais de l’école en ce sens , afin d’aider ces jeunes de 16 à 25 ans de relever la tête pour essayer de trouver par la suite un emploi digne et gratifiant. Nathaniel >>

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