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Les suicides d'adolescents :

si l'on veut que quelque chose change 

Marie-Françoise Bonicel   

    " Cet acte, à l'âge où la vie devrait se soutenir de projets d'avenir, demeure une transgression et une énigme ". Anne Birraux, psychiatre, psychanalyste.     

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           Le suicide des adolescents a toujours hanté la littérature entre le Werther de Goethe, le héros de Notre prison est un Royaume de Cesbron, celui des Amitiés Particulières de Peyrefitte, ou le héros du film du Cercle des poètes disparus. Ce drame individuel et social s'il reste un " geste de vivant " ne peut - être accepté, pour des jeunes en pleine métamorphose, comme une décision lucide et philosophiquement justifiable.

           Il n'est pas dans mon propos de balayer tout le champ des études sur ce drame de la vie, qui concerne d'ailleurs tous les âges, ni d'arpenter tous les lieux où ces jeunes en souffrance tentent de se construire une existence, mais de poser quelques repères de vigilance et d'accompagnement plus particulièrement dans l'espace scolaire.

           Si les statistiques placent le suicide des jeunes en France en deuxième cause de mortalité, après les accidents de la route, les chiffres sont délicats à manipuler car le décompte des suicides aboutis masque aussi des morts accidentelles dans des conduites à risques à visée suicidaires. Par ailleurs, les tentatives de suicide répertoriées, ne prennent en compte que celles qui transitent par des services officiels et ont fait l'objet d'une prise en charge de suivi. Beaucoup ne sont pas signalées, tant le sujet est tabou dans les familles culpabilisées par ce passage à l'acte.

 

Un malaise multifactoriel : Penser le suicide des jeunes pour mieux le prévenir

           Les recherches scientifiques ont montré qu'il résulte d'une interaction complexe de divers facteurs biologiques, génétiques, psychologiques, sociologiques et environnementaux.

           Multifactoriel, le suicide d'un jeune, pas plus que celui d'un adulte ne peut en effet s'expliquer par une seule cause. Tous les jeunes en échec scolaire ne se suicident pas (certains deviennent délinquants), ceux en échec amoureux peuvent rebondir ou s'alcooliser, et d'autres malmenés par leurs camarades peuvent se réfugier dans l'excellence ou la solidarité de bande, au lieu de cette violence retournée sur eux-mêmes.

           Cette dynamique du suicide va se décliner en idées suicidaires, en tentatives, en récidives, en suicides aboutis. Il est évident qu'une prévention, si elle doit se situer d'abord très en amont, va aussi s'exercer aux stades " actifs ", pour éviter la récidive ou avant que l'irréparable ne se produise Mais elle agit aussi en aval, dans le soutien aux familles et aux jeunes, afin que le syndrome dit de " Werther " n'éveille des vocations pathologiques, en famille ou entre camarades, risque amplifié aujourd'hui par l'impact d'un internet propice à un mimétisme du désespoir.

 

Parmi d'autres structures, la fondation JEVI (Québec) a repéré des facteurs de risques :

- Des facteurs de vulnérabilité : le sentiment d'anonymat ou d'isolement, les exigences de performance scolaire ou sportives, les incertitudes face à l'avenir, l'éclatement des structures familiales, le sentiment de ne pas faire partie de projets collectifs, les conditions socio-économiques.

 

           J'y ajouterai l'incapacité à vivre des frustrations, la perte d'estime de soi après des échecs, la violence familiale, scolaire ou de la rue, le harcèlement entre pairs à l'école, l'homophobie, et bien sûr, les pathologies psychiques activées fortement chez les adolescents en quête d'identité.

 

- Des facteurs de " précipitation " : rupture amoureuse, échec scolaire, querelles familiales, rejet du groupe, deuils réels ou symboliques, accidents de santé graves, humiliations, viols, agressions.

 

           Si le suicide est le point d'orgue tragique qui cristallise à un moment donné un mal de vivre, les comportements autodestructeurs, les addictions et notamment au virtuel, les conduites à risques, les états dépressifs, les fugues, l'absentéisme, le repli sur soi sont à prendre en compte comme autant de signes d'alertes d'un drame qui peut se profiler. Mais la souffrance est parfois bien subtile dans son expression, et des jeunes " sans histoires ", au visage lisse, font une tentative de suicide à la stupéfaction de leur entourage et sans que famille, école ou amis aient été pour autant dans le déni de signes précurseurs.

 

Un projet global : sensibiliser tous les acteurs et partenaires

 

           Face aux formes multiples du mal de vivre, face à l'alchimie subtile des facteurs de risque, la réponse ne peut-être qu'à la fois individuelle et collective. Chaque membre de la famille, chaque membre de l'Education nationale (enseignants, CPE, chefs d'établissements, assistante sociales ou infirmières, médecins, psychologues, conseillers d'orientation), ou d'associations parascolaires, qu'elles soient sportives, artistiques ou confessionnelles, chaque élève, chaque citoyen est potentiellement un veilleur, une sentinelle vigilante de proximité.

           Coopération entre l'école et la famille pour que des comportements préoccupants rendent attentifs tous les autres acteurs, coopération dans l'équipe éducative quand l'élève dysfonctionne ou que des camarades soulignent des attitudes inquiétantes, coopération pour qu'un signalement ne s'enlise pas dans une procédure improbable : ce sont des postures à développer de façon systématique.

           La configuration multifactorielle de l'acte suicidaire suppose de mobiliser les ressources des individus et des institutions, notamment scolaires, pour être attentif à ces facteurs de risque. L'objectif est alors de développer un " mieux-vivre " dont les retombées seront bénéfiques au quotidien pour tous les enfants, et pas seulement en prévenant " le mal de vivre ".

Quelques pistes possibles non exhaustives :

 

Promouvoir un nouvel esprit relationnel pour tous

           C'est une revendication largement partagée dans une société fragilisée par les métamorphoses rapides et les repères bousculés. Des leviers s'offrent à nous :

 

           Développer les capacités de résilience : " les enseignants, tuteurs de résilience ", c'est ainsi que j'avais intitulé un séminaire dans l'Education Nationale au Luxembourg. Nous sommes tous des tuteurs potentiels, et tous acteurs pour stimuler chez nos enfants fragilisés, les ressources dont ils disposent et qu'ils ignorent trop souvent.

 

           Favoriser l'estime de soi : à l'adolescence plus encore, le regard que les jeunes posent sur eux est sensible à celui que leur portent les adultes. Montrer que nous ne confondons pas leurs actes et la personne, que l'erreur n'est pas une faute, et que leur valeur personnelle dépasse de beaucoup tout ce qui apparait. (Voir: L'estime de soi, un don de la nature ou un chantier humain au long cours ?)

 

           Lutter contre l'échec scolaire : c'est évidemment un programme d 'ensemble qui touche aussi le décrochage, mobilise les écoles de la seconde chance, les écoles hors les murs et invite à mettre en œuvre des pédagogies différenciées dont les retombées dépassent bien évidemment la question du suicide. Mais la réussite scolaire n'est pas tout : la Finlande, qui bénéficie d'un niveau économique élevé, d'un système scolaire où les élèves sont heureux, sans pression excessive, cité partout en exemple, a aussi le taux de suicides des jeunes le plus élevé d'Europe. D'autres facteurs entrent donc en jeu, que le système scolaire que beaucoup leur envient, ne suffit pas à compenser.

 

           Créer un climat de communication et de dialogue : à l'école comme en famille, la vigilance est favorisée par une meilleure écoute et communication avec l'enfant, avec les élèves, entre collègues et entre partenaires. Cela s'apprend (Voir: Dossier écoute) dans le cadre de formations, cela s'expérimente au quotidien, en cours comme dans les temps de vie scolaire et familiaux ou, dans les activités périscolaires.

 

           Montrer que les impasses de vie peuvent être revisitées. Quelle " ferveur de vivre " (Jacques Salomé), les adultes manifestent-ils qui soit stimulante et source d 'identification pour des jeunes ? Quelle image leur donnons-nous de l'avenir ? Tandis que des situations vécues trop souvent par les adolescents comme des impasses dont la sortie ne peut se faire que par la mort ou la fuite dans des conduites à risques, si la vie des adultes peut témoigner en contre-point d'un optimisme raisonné et lucide, on peut espérer pour les jeunes une traversée plus sereine des épreuves de la vie.

 

 

Trouver des points d'appui pour une vigilance renforcée :

           Là où les facteurs de " vulnérabilité " sont présents, là où les facteurs " précipitants " sont sensibles, la vigilance est de mise chez les acteurs qui gravitent autour des jeunes.

 

- Les parents premiers concernés, mais souvent trop impliqués pour être lucides.

- Les médecins généralistes sollicités pour des troubles du sommeil, des comportements anorexiques ou pour des signes d'addiction.

- Les accompagnants du milieu sportif ou associatif attentifs aux changements de résultats ou d'humeur, de repli sur soi ou d'agressivité.

- Les pairs, copains de classe ou de loisirs, fratrie : confidents ou simplement observateurs, s'ils ne sont pas englués dans un souci de confidentialité et de loi du silence, ils peuvent par leur proximité être attentifs aux signes de détresse. Ils sont aux premières loges aussi pour être des alliés solidaires et fraternels afin d'aider leur copain en difficulté à dépasser des épreuves de vie.

- Les corps de métier de l'Ecole. Chacun à sa manière peut être un précieux détecteur de signes de mal-être (même si le risque suicidaire n'est pas le seul) : enseignants qui repèrent des chutes de résultats ou un repli sur soi, les CPE sensibles aux comportements, infirmières, assistantes sociales, médecins scolaires, psychologues, sollicités par les jeunes ou par les personnels éducatifs, conseillers d'orientation. Parfois, les agents de services ont des oreilles et des yeux aiguisés pour repérer des souffrances. La qualité et l'attention de l'équipe de direction aux questions " psycho-sociales ", au travail en coopération en interne, avec les parents et avec les partenaires extérieurs au-delà des résultats scolaires, est déterminante pour créer un climat favorable au soutien.

- Les structures d'aides extérieures quand des signes précurseurs se manifestent ou des tentatives de suicide se produisent : chaque département bénéficie de lieux d'accueil en pédopsychiatrie, d'une Maison de l'adolescence ou de consultations en milieu ouvert, dont les adresses sont accessibles dans les Mairies. Mais aussi beaucoup d'associations nationales proposent aide, conseils, orientation, adresses locales. (voir ci-dessous)

 

           Lorsque un homme met fin à ses jours, c'est toujours une histoire singulière qui conduit à ce geste. Quand il s'agit d'un jeune, cette alchimie reste encore plus mystérieuse, mais ne peut nous laisser le choix pour autant entre fatalité démobilisatrice et illusion de pouvoir maitriser tous les facteurs de risques. Quelle vie voulons-nous pour eux et pour nous ?

 

" Un jeune qui fait une tentative de suicide, c'est d'abord et avant tout juste un jeune qui veut vivre, mais autrement " .Pr Daniel Marcelli, pédopsychiatre

 

Voir:

Repères pour faire face au suicide

 

Un dossier sur le suicide dans ce site

 

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<<Surement une idée simple et simpliste mais qui pourrait être considérée dans la mesure où elle ne coûterait presque rien à l'Etat: Un renforcement de la Formation des conseillers d'Orientation de nos écoles (à inclure dans la liste des formations prioritaires éligibles cif/dif). Outre l’orientation scolaire et le rôle de psychologue des écoles qu'ils tiennent, des formations de formateurs pourraient les habiliter à former les enseignant(e)s/professeurs volontaires. Puisque nos adolescents sont tous sensés être scolarisés et qu'il passent plus de 50% de leur temps à l'école, il serait tout à fait logique qu'une prise en charge à ce niveau soit mis en place pour apporter un début de solution à ce fléau. Concrètement, la réponse à la question, pour ma part est d'inciter les responsables d'Etablissement à mettre en place un programme visant à la réflexion de tout le corps enseignant sur la question et incluant ce type de Formation. >>

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