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Rétablir la fonction d'autorité à l'école

 

             Depuis pas mal de temps l'école se focalise sur sa fonction d'enseignement (transmettre des connaissances). C'est effectivement sa fonction principale mais ...pas la seule! Elle oublie souvent les autres et en particulier sa fonction d'autorité. Les problèmes de violence auxquels elle doit faire face le lui rappellent.

 

 

Pourquoi cet oubli?

             Nous aimons souvent vivre des rencontres imaginaires avec un autre pur esprit dans un plaisir de partage d'une culture commune! La violence des élèves nous rappelle que nous avons à enseigner à des êtres vivants, incarnés, possédant une histoire. Elle leur a forgé une relation d'apprentissage qui n'est pas forcément celle que nous désirons. Certains jeunes n'ont appris la vie que dans une relation de violence, dans un rapport de force et on leur demande brusquement d'être logiques, de s'attendrir sur un beau texte ou de se pencher sur leurs sentiments, c'est- à-dire souvent sur leur chaos intérieur !

             Il est beaucoup plus rassurant, satisfaisant pour nous, de penser et d'agir comme si l'élève était à notre image et de croire que nous le rencontrons dans un plaisir culturel partagé. Mais ceci n'est pas qu'une affaire de psychologique personnelle: c'est également du ressort de l'Education Nationale en tant qu'institution qui provoque ce fantasme collectif par le type de recrutement (purement disciplinaire) et par le type de formation des maîtres qu'elle impose.

<<Ce n’est pas aux professeurs de prévenir la violence, leur mission est d’enseigner, et je dois leur garantir de pouvoir le faire ». Avec cette phrase prononcée à longueur d’antennes depuis plusieurs jours, Xavier Darcos fait coup double : il rassure son électorat potentiel, et flatte dans les sens du poil ceux des enseignants qui demanderaient à pouvoir « enseigner » sans être dérangés par les élèves « perturbateurs », comme si ce qui était à l’œuvre dans le quotidien de la classe ou de l’établissement n’était en rien relié avec ce qu’en comprennent ou ressentent les élèves…>> Cafépédagogique

             Les jeunes qui sont en face de nous ont une histoire, des besoins, ils sont en marche vers la construction de leur personnalité et pour cela ils ont à se "heurter à nous", comme ils ont et auront à se "heurter à la réalité" disciplinaire (dans les deux sens du terme: la loi et les disciplines: maths, histoire...). C'est dans l'exercice de notre fonction d'autorité qu'ils progressent dans leur personnalité et dans leurs connaissances disciplinaires. Les deux sont liés.

 

Alors les portiques, les habilitations à fouiller les cartables...?

             Arrêtons de croire qu'il existe une solution miracle à tous les problèmes de violence. Arrêtons de proposer des mesures fantasmatiques qui vont solutionner par un coup de portique magique nos problèmes.

             Les violences ne sont pas identiques dans tous les établissements, les situations et les conditions ne sont pas les mêmes partout, les moyens à disposition varient. Aux chefs d'établissement, avec leurs enseignants, (car c'est eux qui sont en première ligne dans cette affaire) de se saisir de ces questions dans un travail d'équipe

             Au niveau national c'est ce travail d'équipe qui doit être encouragé, ce sont les initiatives prises localement qui doivent pouvoir recevoir l'aide nécessaire.

             Si la communauté éducative le pense utile étant donné la situation locale, qu'un portique soit installé provisoirement dans un établissement comme signal fort ( "on va changer les choses"), pourquoi pas? Cela peut être un moyen de démarrer une action plus péagogique. Si cela s'inscrit dans un ensemble de mesures de prévention, qu'une fouille soit ordonnée un jour dans un établissement pour avertir qu'on ne laissera pas faire n'importe quoi, pourquoi pas? Cela peut être utile si l'équipe de direction en a discuté avec les enseignants. Mais il faudra bien réfléchir avant, car ces moyens entraînent souvent des désirs chez les jeunes de "jouer avec" (faire sonner le portique!), ou de les contourner (on passe le couteau à un copain par dessus le mur!) etc...

<< L'effet des détecteurs à l'entrée des établissements a été évalué, entre autres, par une enquête du FBI. Contrairement à la légende, ces détecteurs ne sont présents que dans moins de 1 % des écoles américaines (d'après le rapport annuel « Indicators on Crime Safety » en 2006). Les effets pervers en sont bien connus : ressentiment montant des élèves, sentiment de mépris, éventuellement renforcé par la fouille des cartables, et, finalement, augmentation de la violence antiscolaire>> "Violence scolaire: Il faut stabiliser les équipe" Interview de Debarbieux. Le Monde 28/05/2009

             Mais, en tous cas, croire que les portiques, les fouilles résoudront à eux seuls les problèmes de violence est une illusion. Du reste aucun politique ne le croit; Nicolas Sarkozy, lui même, le laisse entendre :"L'idée est de faire du cas par cas." (Le Monde 28/05/2009)

             Ce qui est nécessaire avant tout c'est que chaque établissement réfléchisse à la façon de réintroduire la fonction d'autorité à côté de la fonction d'enseignement.

 

Comment réintroduire la fonction d'autorité?

- En faisant évoluer la représentation de l'autorité chez les élèves et les enseignants:

L'autorité n'est pas un don du ciel (!!) ni un don des gènes (!!) , on ne peut pas dire "on l'a ou on l'a pas"(!)

C'est une fonction confiée par une institution à une personne pour un temps donné; cette fonction ne lui appartient pas, elle consiste principalement dans un pouvoir d'organisation comme le rappelle Françoise Rossetti-Herbelin. 

 

Pour cela on peut organiser:

* Des échanges entre enseignants ou entre enseignants et élèves sur ce thème.

* Des réunions avec un policier, non pour fouiller les élèves, mais pour leur parler et échanger avec eux sur la loi et sur son métier dans le cadre, au besoin, de l'instruction civique.

* De même avec un juge., avec des parents ayant une fonction d'autorité dans une entreprise ou ailleurs.

             Autrement dit il ne s'agit pas de "sanctuariser l'école" mais au contraire de "l'ouvrir sur les forces vives de la société" pour faire découvrir aux jeunes l'existence de cette fonction d'autorité partout dans la réalité du monde, et pour que ces forces vives aident l'école à résoudre les difficultés rencontrées.

 

             Du reste, toute sanctuarisation, tout mur, tout communautarisme excessif, comme tout repli sur soi ou encore comme le protectionisme économique, la bulle des sectes, entraînent de la part de celui qui est en face le désir d'abattre le mur, de faire sauter les protections, et de se protéger soi-même.

- En apportant des aides pour faire face à cette violence:

 

* Organiser des lieux d'écoute dans l'établissement (le plus souvent cette fonction d'écoute est tenue par l'infirmière quand elle existe et n'est pas débordée) est une façon de rétablir la fonction d'autorité dans cet établissement car c'est une façon de dire : On peut parler, dire ce qu'on ressent sans être obligé de "passer à l'acte".

* Organiser des formations sur les compétences relationnelles à l'école, car rétablir la fonction d'autorité c'est aussi développer les compétences de dialogue entre les maîtres et les élèves et entre les élèves.

* Organiser des "groupes d'analyse de la pratique", c'est permettre un travail d'équipe entre enseignants et lutter contre l'isolement des profs qui est la principale source de leurs difficultés à faire face à la violence et à tenir leur fonction d'autorité.

* Organiser des formations de médiateurs d'élèves, c'est faire découvrir aux élèves la fonction d'autorité à leur mesure.

 

Les propositions de Xavier Darcos permettent au "Monde" de découvrir l'intérêt de l'écoute dans les problèmes de violence (Merci Mr Darcos :-) !!). Ce journal nous rapporte des expériences anglaises en paraissant ignorer complétement ce qui s'est fait et se fait en France dans ce domaine depuis longtemps!

"En Angleterre, des cours "de gestion de la colère" contre la violence scolaire

La Grande-Bretagne est parfois citée comme un exemple en termes de répression de la violence à l'école. "En fait, il n'y a que très peu d'écoles qui ont mis en place des systèmes comme des portiques ou des fouilles systématiques à l'entrée des établissements", tempère Frances Child, enseignante et journaliste au Daily Mail. "Il n'y a d'ailleurs pas vraiment de politiques à l'échelle nationale, chaque école essaie de régler ses propres problèmes. Le plus souvent, les écoles mettent plutôt en place des systèmes de prévention et d'écoute auprès des élèves ou des cours de gestion des émotions, de maîtrise de la colère." Le Monde 27/05/2009

- En favorisant les stages de formation à l'écoute, à la gestion des émotions, à la gestion des conflits:

             Apprendre à savoir dire "NON" à un élève, à tenir un cadre, à poser des sanctions dans une classe n'est pas évident pour tous les enseignants: Voici ce que dit une enseignante qui avait des difficultés d'autorité avec ses élèves, après un stage de formation sur ces thèmes:

<< (Je constate) en moi quelques signes de changements symbolique. Par exemple j'ai commencé l'année scolaire en achetant un cahier "Super Conquérant" au lieu du tendre "Claire Fontaine" habituel, j'ai donné des punitions dès la première semaine et je continue à en donner régulièrement>>. Sanctionner est une violence et il faut avoir vu clair sur sa propre violence pour ne pas s'en trouver culpabilisé et faire face à la peur des représailles (internes et/ou externes).

             Ces formations devraient faire partie intégrante de la formation des enseignants, mais ce serait reconnaître qu'à coté de la fonction enseignante les enseignants ont d'autres fonctions et ce serait perdre le fantasme d'une "relation de purs esprits dans une culture commune". Beaucoup n'y sont pas prêts!

 

Pourquoi les politiques ont tendance à privilégier les solutions démagogiques?

             Je propose l'analyse suivante: Cela vient autant de nous que d'eux !

             Tout fait de violence déclanche des "identifications à la victime ": <<Si cela nous arrivait!" "Si un élève nous attaque au couteau comme ce prof!>> ou des "identifications à l'agresseur" <<Le pauvre élève, il est jeune, que va-t-il devenir?>>

             Dans tous les cas ce "fait divers" nous renvoie à notre propre violence, le plus souvent inconsciente, mais qui n'en reste pas moins agissante. Et nous demandons à "l'Autorité" de nous débarasser le plus rapidement possible de toutes ces identifications qui nous gênent en nous proposant des solutions miracles.

             Au fond les portiques et les groupes d'intervention sont plus pour nous soulager de ces identifications gênantes que pour résoudre le problème de la violence dans les établissements. Ce dernier problème c'est à nous de nous en emparer et de le résoudre localement en équipe!

 

             Il est évident aussi que les journalistes s'en emparent et leurs journaux servent de caisse de résonnance. Cela intéresse puisqu'on s'identifie à la victime ou à l'agresseur, on veut avoir de ses nouvelles, on aimerait savoir ce qu'on aurait pu devenir ...

             Comme certains journalistes font passer leur fonction de "contre-pouvoir" avant celles "d'information", ils seront heureux de se servir de ces "fantasmes collectifs" (portique...) en les dénonçant, avec raison, comme "inéfficaces dans la réalité" mais non comme "imaginaires et rassurants pour certains". Ils leur donneront, par le fait même, une plus grande ampleur par l'entretien d'une polémique. Nous pouvons, nous-mêmes, nous identifier à ces journalistes dans leur fonction de "contre-pouvoir" pour sublimer notre propre violence déclanchée par ce fait divers. La boucle est bouclée: les politiques, les journalistes et nous sommes complices (prisonniers) dans un même imaginaire collectif.

             Nous sommes tous partie prenante dans ce jeu de dupes; sa prise de conscience par le plus grand nombre est la seule façon d'en sortir; une réflexion locale et en équipe est la seule façon d'agir efficacement!

             Comment parler de ces questions de violence à l'école sans tomber dans l'angélisme ou dans le simplisme? A notre avis ces problèmes si complexes devraient être l'objet d'échanges d'expériences et de recherches plus que de polémiques.

 

Voir: Sur le Cafépédagogique 

Dossier violence scolaire du Cafépédagogique

Violence scolaire : "Je suis pessimiste" nous dit Eric Debarbieux

Violence scolaire : changer de paradigme pour Claude Lelièvre

 

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Réactions

<<J’ai l’impression qu’il manque ici la notion de l’autorité intellectuelle ou pratique (quand on enseigne un métier) en termes de savoir: l’enseignant, pour avoir de l’autorité, doit aussi faire autorité. Bien sûr cela ne contredit pas du tout le contenu du dossier! L’autorité intellectuelle évidemment n’est pas l’omniscience, mais c’est le savoir expliquer, le savoir où chercher. Certains élèves peuvent chercher les limites du savoir du prof (c’est rare me semble-t-il) et guettent l’ignorance. Il faudrait regarder la relation entre autorité dans ce sens et confiance: on ne voit pas comment il pourrait y avoir de l’enseignement et de l’éducation sans confiance. On va faire confiance à celui qui est un expert accessible, parce que sa fréquentation est positive, bénéfique: on ne perd pas son temps, ce qu’il dit peut être un peu difficile, mais c’est solide donc rassurant. L’enseignant peut à la marge confirmer son autorité intellectuelle en disant comment il l’a acquise pour l’essentiel et comment il la complète, la renforce, la met à jour. Je vais te dire comment j’ai su et pourquoi je le sais et toi aussi tu le sauras. Non?>>

<<Toujours sur les sujets les plus importants ! Bravo Jacques !!>>

<<Rétablir la fonction d'autorité c'est aussi : rétablir les postes aux capes et au concours PE rétablir les cpe rétablir les a e dans les établissements rétablir l'image de l'enseignant souillée ces dernières par les pouvoirs publics>>

<<Bonjour monsieur Nimier,Toujours intéressée par ce que vous écrivez, je voulais signaler pour faire écho à votre sujet de ce mois que le 3ième colloque "psychologie et psychopathologie de l’enfant" portera sur le thème de "Aux sources de la violence de l’enfance à l’adolescence". Il aura lieu les 8, 9 et 10 octobre 2009 au Palais de la Mutualité à Paris. en voici le lien pour des infos supplémentaires : www.psy-colloque-2009.org Bien cordialement, Michèle Tricaud-Ferré>>

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